- Faits marquants de cette époque éprouvante pour les populations livrées aux exactions les troupes en cantonnement dans nos villages et vivant sur la population. Obligation de fournir le gîte et le couvert.
- Le soldat de tout temps a été grand connaisseur en vin. Les villages viticoles étaient donc fortement prioritaires pour la tenue de cantonnement chez l’habitant.
- On est en l’an 1633. L’Alsace est occupée par l’armée Suédoise en cantonnement dans les villages verrouillant ainsi la ville de Breisach et le pont qui permet de franchir le Rhin. C’est une période incertaine d’occupation par une armée oisive. Ces soldats brutalisent la population par différents sévices dont le « SchwedaTrank » (ingurgiter de force du purin).
- Toutes les villes de la décapole (10 villes libres) ne se sont pas rendues aux nouvelles autorités, bien que la ville de Colmar s’en est arrangé avec la réforme.
Il y avait une surveillance rapproché de ces villes organisé par les cantonnement des villages voisinant.
- Le Holandsbourg un point stratégique avec une vue panoramique sur les environs. Le château est un point d’observation idéal pour l’armée Suédoise. Également pour la surveillance de la ville de Colmar qui est toujours une ville de la décapole donc libre. Il faut aussi surveiller ses arrières. Surveiller l’arrivé de corps d’armée éventuel envoyé depuis la France.
D’où un cantonnement de soldats Suédois à Wettolsheim sous le commandement d’un capitaine expérimenté.
On est fin Mars 1633 à Wettolsheim près de la place du village.
- Willi et s’Cathel, (Guillaume et son épouse Catherine).
- Mechel, l’aïeul de Willi (Michel).
- Gusty, le voisin de Willi (Gustave).
- Ruben, le capitaine des Suédois en cantonnement.
- Nils, le sergent.
- La Naneti, veuve libertine.
Avant de partir tailler ses vignes, le vigneron Willi, comme de coutume, fait un tour dans sa cave, pour vérifier si tout était en ordre. Il redéguste une fois encore, l’un de ses vins, un vin qui ne se remettait pas bien du « Bockser » (maladie du jeune vin).
- « Faudrait bien le soutirer une deuxième fois ; il lui faut davantage de soufre sinon il va me tourner, va me devenir brun ce vin ».
Tout à sa réflexion il se remémore cette récolte exceptionnelle, sa cave est pleine à raz bord. La vendange 1632 a été très abondante, au point qu’il a dû acheter encore un fût pour pouvoir loger tout son vin.
L’année précédente, en 1631 une gelé printanière tardive avait anéanti toute la récolte en gelant les jeunes pousses de la vigne, et par là même, les futures grappes.
Cela ç’est passé dans la vigne située sur le versant Sud du lieux dit « Altdorf », près des anciennes carrières de pierre ou travaillait son grand-père, et tout proche de la forêt de la chapelle des bois. Vignes que son aïeul Mechel avait acquis du chapitre de la cathédrale de Constance, suite à plusieurs années sans récoltes, en contre partie du travail, et aussi en règlement des livraisons de pierres issues de la carrière proche.
Il se rappelle bien de ce fameux moi d’Octobre. En tout et pour tout, ils vendangèrent, lui et s’Cathel sa femme, une seule hotte …. et encore ! C’étaient plutôt des rafles dégarnies comme un toit sans tuiles après un grand coup de vent. Il ne restait que deux ou trois grains par raisin. Rien de tout cela va donner du jus au pressoir. La hotte bien que pleine ne pèse guère sur ses épaules larges et musclées.
- « Sur ces raisins peu nombreux les oiseaux de la proche forêt avaient enlevé une bonne partie des grains »
Je pourrais faire deux « ohma » (100 litres) de piquette, songeait-il, en descendant avec beaucoup de précaution, le raide sentier et …
- Plouff
- Le voilà qui glisse sur cette argile rouge, humide à cet endroit, et il verse sa précieuse charge dans les orties qui poussaient en contre-bas du sentier, sentier taillé dans le talus et menant au chemin creux. Qui lui descend en lacets serrés de la colline (nommée colline sacrée par les anciens, présence probable d’un ancien culte païen dédié au soleil) jusqu’au fond du vallon.
Il se dégage de la hotte entièrement vidée de son contenu. Rien de cassé.
- Quelle Chance !
- Que Sainte-Gertrude le protège ! (Une Chapelle en son nom est toute proche au fond du vallon. Ce pèlerinage est lié à une relique de la Sainte qui date du IX siècle et à sa source dite miraculeuse !).
- Que Saint-Fridolin le soutienne (Saint de l’église romane de la Feldkirch qui avec Saint-Rémi assurent la protection des âmes du village. Merci au seigneur « Wadil » qui s’installe dans ce lieux et donne naissance à ce village resplendissant qui fait envie et attire régulièrement de nouveau habitant, tous hommes libres chrétiens, depuis des générations « un vrai pays de cocagne ou paradis sur terre »).
S’ Cathel, son épouse descend son « Ergala » (petit baril en bois) de sa tête se met à ramasser ces malmenés raisins afin de sauver un peu de leur maigre butin. Lui s’assoit sur une pierre, tire de sa poche une pipe de porcelaine blanche et en la bourrant de son tabac « maison » dit :
- De la terre c’est venu, à la terre c’est retourné !
Et il fuma tranquillement méditant sur leur sort …..
Tout cela lui traversait l’esprit pendant qu’il humait son vin dans sa cave en cette fin Mars, faudrait aussi qu’il avance son travail de taille, le temps est doux, faut pas qu’il prenne du retard non plus.
- Il ne faut alors pas le laisser se gâter ce vin-ci. Faut le faire tout de suite ce soutirage.
Et dire qu’il a déjà perdu un plein fût, son meilleur cru, cet hiver, à cause de ces Suédois en cantonnement dans le village.
Ainsi pensé, ainsi décidé ; il ouvre de suite le fût vide (celui vidé par les soldats, le Ruben et sa bande de maraudeurs) pour l’aérer, le rincer, le refermer, le mécher afin d’y loger son Zwicker qu’il soufre sans délai, s’il veut le sauver.
Il installe le trépied et place la hotte dessus et l’endosse afin de chercher de l’eau. La fontaine est située à quelques dizaines de pas, sur un espace dit le « Dorf-platz » (place du village à proximité de la chapelle Saint-Jean-Baptiste attenante à l’ancienne commanderie des Templiers des chevalier de Saint-Jean de Colmar) en sortant de sa ruelle par-dessous la maison du « Gusty » en passant sous un très ancien porche arrondi, de quoi passer avec une très grande charrette bien chargé de foin (proche de l’actuel dépôt d’incendie du village) , lui tout au fond ferme ce cul-de-sac avec sa propriété. Il va donc clopin-clopant dans ses sabots pour ramener une hotte pleine d’eau de source de la fontaine.
- Jadis, avant que l’eau fût sous pression au robinet, il fallait d’abord la chercher, cette eau, ensuite il fallait être deux pour rincer un grand fût, l’un entre dedans aspergeant les parois, l’autre lui passe l’eau dans un petit seau en bois.
- « S’Kergala » à travers le « Térla » (ouverture sous forme d’un portillon ou trou d’homme).
Ainsi donc Willi va quérir l’aide de son épouse Cathel et lui expliquer, que de suite, ce matin même, il va soutirer le Zwiker afin de le soufrer. Il monte chez lui, en chaussons, les 8 marches de son bel escalier en bois dur, dont il vient de refaire la petite toiture pour qu’il reste bien au sec, laissant en bas ses gros sabots.
Dans la cuisine, elle n’y est pas, mais il lui semble entendre quelques bruits dans leur chambre.
- Là !
- Quel tableau !
- Quel horreur !
Il n’en croit pas ses yeux. Fou de rage, il empoigne une chaise et tape d’une force, quadruplé par la fureur, sur la tête de ce Suédois qui, de ses mains de soldat, étranglait « s’ Cathel » (sa Catherine) son épouse renversée, qui se débattait de toutes ses forces. La lourde chaise volait en morceaux. Alors il en attrapait un des pieds et avec ce gourdin-là tapait, tapait comme un possédé sur la tête nue de l’agresseur. Celui-ci une fois au sol, il ne s’arrêtait toujours pas, tout son vin qu’ils lui ont « volé » ces barbares-là lui revenait en mémoire et il retapait de plus bel sur ce coupable, sans s’arrêter une seule seconde. Son épouse revenue à elle le regarde faire, sans pouvoir bouger.
Tout à coup, elle réalise ; Elle dit :
- Tu peux t’arrêter, c’est qu’il est mort, bien mort celui-là !
- Dieu Merci !
- Willi t’es venu à temps Pffffff.
Les deux époux se tombent dans les bras.
- Mais je te croyais sorti tailler la vigne !
- Non c’est en redégustant le Zwicker que j’ai que j’ai décidé de rester pour le soutirer de suite, ce matin même !
- Je montais juste pour te dire de m’aider à rincer ce fût « L’Oblang » (l’oval) !
Et les voilà qui descendent ensemble …..
- Ah ! C’est là qu’on va faire de notre Suédois !
- Der SchwedaTrank esch bech dich, s’ech fertig fer uns ! (tu vas avoir droit au sévices du purin mon cher c’est la fin pour nous deux).
- Un dan banbelsch am dorf Baum as die Krappe d’oiga aus beka ! (Puis t’es suspendue à l’arbre du village pour que les corbeaux te piquent les yeux).
Elle montre le fût ouvert par Willi pour l’aérer.
- Bonne idée dit-il !
- Attends là !
- Je vais vite le descendre !
Il court en haut, empoigne le Suédois par les pieds le tire vers l’escalier où il le laisse dégringoler. Puis, à eux deux, ils le portent auprès du fût. Tout ceci n’allait pas sans mal de pousser cet homme à travers l’étroite portière de cet « Oblang » (fût oval de 26 hecto litres). Il faut lui enlever la veste, la ceinture, lui tire par dedans, elle pousse de dehors. Le Suédois une fois installé dedans, ils jettent ses frusques sur lui, ferment soigneusement cette portière, puis passent le vin malade du fût d’a côté par-dessus ……
Une fois le fût à moitié rempli, ils s’arrêtent enfin.
- Tout de même on va mècher un peu ce vin, sait-on jamais !
Alors pendant que les mèches brulent, Cathel va laver l’escalier en haut en se servant de l’eau de la hotte resté-là. Après cette pause, ils continuent de transvaser « Stetz » après « Stetz » (récipient en bois de 10 litres) d’un fût dans l’autre. Or voilà qu’on entend des voix, des bruits de sabres dans la cour, puis on voit à travers le jour de la grande porte entre-ouverte de la cave apparaître des Suédois : le capitaine « Ruben » et deux soldats tout en haut des huit marches en grès rose usées par le temps, dans le contre jour ils avaient l’air horribles ces hommes là. Surtout aujourd’hui et là tout de suite c’est comme un coup de tonnerre avec la foudre et tout le reste. On aurait dit que le ciel leur tombe sur la tête.
- C’est toujours dans la cave que l’on trouve le vigneron !
Dit le capitaine Ruben (ce dernier est en cantonnement chez le « Shutz » (Schulteiss Mathias Custer de son nom) juste de l’autre côté de la place.
Ils descendent sans plus de manières, comme des conquérants, les quelques marches de grès rose qui mènent en bas dans l’antre de la maison.
- Dites donc, le sergent « Nils» qu’en avez-vous fait ? On l’a vu entrer chez vous ce matin !
- Il doit rejoindre le château du Hohlansbourg, pour sa semaine de surveillance, On le cherche depuis une heure au moins, il va prendre cher ce lascar là !
- Ben, oui, en effet « Nils » a même bu de ce vin là !
Willi tout en parlant remplis un « Choppa » (pot en terre cuite au sel, de couleur gris bleu d’une contenance d’un ½ litre) au « Riverla » (petit robinet en bois, placé à mis hauteur, assez particulier, qui permet de gouter le vin d’un fût) et le tend à l’officier, qui le vide d’un trait, comme tout bon soldat d’expérience.
- Pouah ! Mais c’est pas du vin ça !
Et il crache le tout par terre.
- Vous voyez bien qu’on transvase !
Dit le vigneron.
- C’est le soufre que vous avez senti là !
- Bien, mais, mon sergent où est-il alors ?
- Mais venez mon capitaine je vais vous le montrer !
Et ils sortent tous de la cave.
- Par là !
Willi leur ouvre la porte vers le jardin, ce dernier qui donne à l’arrière sur les vignes, on aperçoit la colline du « Steingrub » en face et plus loin sur la droite le « Frietig » et le vallon du très ancien village « d’Altdorf ». Le château du Hohlansbourg est perché sur la hauteur tel un guetteur imperturbable au temps qui passe, dans son écrin de verdure.
Il brille de tous les éclats avec ses murs de blanc immaculés en ce début de journée. Il est visible ainsi le matin depuis la ville de Bâle.
Depuis la tour de guet il est possible de voir la cathédrale romane de la fier ville de Strasbourg par beau temps.
- Il est parti retrouvé « La Naneti » sa veuve joyeuse il me semble ! …..
- Le Ruben tappe sur l’épaule de Willi en riant, tu as de la chance que t’on vin est bon…
Willi se dit pourvu qu’ils ne reviennent pas de si tôt lui vider un autre tonneau de sa cave, et enfin il recommence à reprendre des couleurs. Avec Cathel il sent est fallu de peu qu’il se dit …..
- Betzi glek mus sein (faut bien un peu de chance parfois).
Sept mois plus tard, le Suédois mariné au Zwiker eut une tombe dans leur jardin, et la dame de la maison planta quelques fleurs à cet endroit.
De nos jours encore les grand’mères disent à leurs petits enfants :
- Si tu ne manges pas bien vite ta soupe ….. C’est les Suédois qui vont revenir !
Henri Albert Strubel
En 1633
- Le cardinal Armand Jean du Plessis de Richelieu (1585-1642), cistercien, Ministre (1624-1642), intrigant pour intégrer l’Alsace à la France
- Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), Ministre de Louis XIV à partir de 1665
- Louis XIII (1601-1642), roi de France, dit le juste.
- Louis XIV (1638-1715), le Roi-Soleil.
- 1618-1648 la guerre de trente ans, guerre de religion (déguisé en)
- Les Impériaux : les troupes des Habsbourg, catholiques, qui désirent agrandir leurs territoires
- Les Protestants : Frédéric V roi du Palatin et de Bohème en résidence à Heidelberg, charge le comte Pierre Ernest de Mansfeld de rétablir la réforme, au fait exactions sur l’Alsace 1618-1622
- Les Suédois en 1630 interviennent à la solde du roi de France. En 1632 ils chassent les impériaux de Ensisheim vers Thann et sont les maîtres de l’Alsace jusqu’en 1638.
- Qui tient le pont de Breisach tient l’Europe centrale par l’accès au Neckar et au Danube …. En 1638 le duc Bernard de Saxe -Weimar, gagne la ville pour les catholiques (Commandant des armée Suédoise protestante à la solde du roi de France catholique).
- 1648 le traité de Westphalie attribue au roi de France L’Alsace.
- 1658 Conseil Souverain d’Alsace (pour asseoir la présence de la France)
- 1675 Bataille de Turckheim, vainqueur le général de Turenne, La France met en place la francisation par la Force et avec présence militaire à l’appui ……. (Turckheim est une ville franche et libre qui fait partie de la décapole).
1500-1509 bonne année (on ne vit jamais autant de vin, selon Tausch)
1506 l’année de la comète
1507 et 1509 bonnes
1510-1519 trois bonnes années
1520-1529 cinq bonnes dont surtout 1525 celle de la guerre des paysans
1530-1539 cinq bonnes surtout 1539 (l’anné du siècle)
« Tausend fünfhundert dreissig und neun galten ein Fass mahr als der Wein » le dicton dit que si le tonneau vaut plus cher que le vin, c’est que ce dernier abonde particulièrement.
1540 exceptionnelle
1541-1549 trois mauvaises et deux bonnes
1550-1599 Puis 24 mauvaises récoltes contre sept bonnes
Relevé par Emmanuel Le Roy Ladurie
Puis long déclin du vignoble suite à la conjoncture climatique : pluie, vent, gel et la guerre de trente ans transforment les productions de vin en piquette pour les soldats sans le sous.
1303 le Rhin est traversé à pied
1540
1719, 1874, 1906, 1911, 1945, 1947, 1949, 1953, 1957, 1964, 1976, 1988, 1991, 2003
Présence des romains de -90 à +378
- -58 Jules César Proconsul des Gaules, Bataille de l’Ochsenfeld (près de Cernay), les Germains se replient derrière le Rhin en passant par le gué (passage possible qu’en été, le Rhin est un fleuve rapide et profond par endroit) de l’actuelle ville de Brisach-am-Rhein ou Vieux-Brisach (Déjà ce passage est la clé de l’Europe soit pour les peuples qui remontèrent du Danube pour coloniser l’Alsace soit pour les routes commerciales vers l’Italie et l’Asie qui traversent les Alpes ou encore vers la Méditeranné par l’axe fluviale du Rhône).
- 378 les Alamans chassent les Romains d’Alsace
(tois légions romaines disparaissent dans la forêt germanique sans jamais revenir « Germanicus »)
- 496 les Francs battent les Alamans à Tolbiac (baptême de Clovis)
- 511 Mort de Clovis
- 1493 « Bundschuh » révolte des paysans
- 1518 épidémie « de danse » à Strasbourg
- 1502 révolte des paysans de l’évèché de Spire
- 1513 révolte des paysans de Fribourg en Brisgau
- 1517 révolte des paysans de Wissembourg, Haguenau, Saverne
- 1525 contre les Seigneurs et l’Eglise 8000 paysans, Répression sanglante du duc de Lorraine « Die Lothringer come ! » (d’où l’expression les lorrains arrivent)
- 1621 les troupes du comte de Mansfelf (protestant par mandat de Frédérique de Heidelberg)
- Vers 1633 révoltes des catholiques dans le Sundgau plus de 4000 paysans, ils prennent Ferrette, Belfort, Bâle. Répression dans le sang plus de 800 prisonniers, 600 exécuté en répression par les Suédois.
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