Le Serpent amateur de laitages

 

par Gilbert MULLER

 

 

 

 

 

PROLOGUE

 

 

 

Le présent récit est une légende.

 

Il ne faut donc pas prendre tout au pied de la lettre. Il ya du vrai ainsi que du « liant » qui a été ajouté.

 

C’est essentiellement l’histoire du jeune ANTOINE dit « TONI » qui est mort si cruellement mordu par un serpent.

 

C’est aussi l’histoire de sa maman ROSE dite « RESI », de son « protecteur » Mr ANSELME, du Curé qui n’a pas de nom, de KRITLA la meilleure vache du village qui n’arrêtait pas de ruminer et qui se surpassait à produire le lait salvateur pour le jeune pulmonaire, du Néméton (Le mot gaulois nemeton ou nemeto- désigne le sanctuaire, le lieu spécifique dans lequel les Celtes pratiquaient le culte), et des ses ONDS, des dieux Celts TAMARIS qui foudroyait ses ennemis et LUG le dieu suprême qui donnait les ordres à tous les autres dieux. Enfin le Maréchal de TURENNE (La bataille de Turckheim oppose le 5 janvier 1675 Frédéric Guillaume, électeur de Brandebourg commandant une armée austro-brandebourgeoise, au maréchal de Turenne, commandant une armée française), passe avec son armée et se repose un bref instant dans les ruines de la chapelle en compagnie de Monsieur De L’HERMINE qui écrira certaines choses intéressantes et qui, de ce fait, passera à la postérité.

 

Toute une petite saga. Enfin de nos jours des vignerons déjantés parlent d’aller en Hongrie, s’il était possible d’emporter la vigne, et les brigands d’un genre nouveau, avec des cheveux orange, ont investi le Ménéton.

 

 

 

Mais tout avait comme point de départ le récit d’un vielle homme viticulteur, qui le tenait de son père, lequel le tenait de son père à lui, et ainsi on remontait à la Renaissance lorsque vivait l’aïeul Mr ANSELME et le jeune TONI.

 

C’est donc le vielle homme qui a renseigner l’auteur au sujet de cette clé de voute très vielle et toujours visible. Certainement que plus d’un passant a dû être pris de frisson et a dû regarder sous le lit le soir en allant se coucher. Mais ne rêvez pas trop de serpents. Ils ne touchent pas au lait. Par contre ils peuvent mordre si ce sont des méchants.

 

 

 

           

 

            LE SERPENT AMATEUR DE LAITAGES

 

 

 

Les deux villages de Wintzenheim et de Wettolsheim sont séparés par une colline couverte de vignes. C’est là, au lieu dit Rotenberg où la terre a la couleur du sang, que mon ancêtre de la Renaissance ANSELME possédait des parcelles la partie sommitale et alentour. Il m’arrivait de monter quelques fois du moins lorsque mes jambes étaient encore plus jeunes. Je me laissais gagner par la quiétude du lieu, je contemplais le magnifique paysage à la ronde et j’allais lire les deux poèmes d’un anonyme qui au XVIII siècle d’après la vielle orthographe allemande qui avait cours, racontait qu’il était pris de ravissement et qu’il souhaitait y terminer ses jours. Peut être qui sait, l’anonyme s’y est il fait enterrer. Il est maintenant assis à coté de TARAMIS et de LUG et festoie avec eux en levant un hanap de cervoise.

 

 

 

Je disais que la vue y est magnifique, princière. Plus d’un grand de ce monde n’a rien de semblable à s’offrir. Au Sud on voit Bâle et les alpes, en face dans le Schwartzwald on voit courir les cerfs et au nord en étendant la main on peut cueillir la cathédrale de Strasbourg. Au pied de la colline, à Wettolsheim, on n’arrête pas de produire le vin. Que ferions nous d’autre ? Un ami a été tenté d’acheter de la vigne en Hongrie et de se délocaliser parce qu’en Alsace les Welschs l’étranglaient totalement, le chagrinant encore sur la hauteur des pieds de vigne. Mais finalement il est resté. Adieu les vignes hongroises. Celles d’ici, celles de mes ancêtres me tiennent aux trips. Je continuerai donc à être tondu par les Welsches, « tondre » avec la levée de soldats ayant toujours été leur souci premier. Il ont même réussi à égarer le chèque que l’ami leur avait envoyé illustrant ainsi leur sens de l’ordre . Maintenant l’ami doit faire un nouveau chèque en y ajoutant les indemnités de retard. Allez leur expliquer qu’ils détournent le fleuve Alfée au travers de leurs bureaux. Mais vous y perdriez votre salive.

 

 

 

Sur ce Rotenberg se réunissaient, il y a bien longtemps déjà, les RAURAQUES. Cet endroit étant devenu leur Néméton, leur colline sacré où il pratiquait des rites étranges et pas toujours ragoutants. C’est là qu’ils invoquaient LUG et TAMARIS et bien d’autres, et c’est aussi là, qu’entouré d’une palissade ou d’un RATI (mur de fortification en pierre) qu’ils ont dû y vivre un bout de temps. Il semble qu’ils aient creusé, car tout a été remué et il y a une fosse énorme qui pourrait engloutir une légion romaine. Il subsiste un puits et beaucoup d’éboulis (auxquels nous allons revenir). Le sous-sol ne vaut pas grand-chose comme pierre à bâtis. Tout s’effrite. Mais de cette colline se dégage un rayonnement tellurique que sentaient déjà nos lointains ancêtres et qui, en 2010, attire de nombreux sourciers. Justement ce rayonnement qui avait fait du bien au poète anonyme. Les Gaulois pour leurs Néméton recherchaient toujours les hauts lieux vibratoires. L’église par la suite s’est appropriée ces Néméton y construisant chapelles et basiliques. Lorsque vous montez là haut, vous emportez votre livre de cantiques et vous vous mettez à chanter et à glorifier le Seigneur. Là haut vous êtes beaucoup plus près du très Haut.

 

 

 

L’ancêtre Mr ANSELME était bien portant financièrement je vous l’ai dit. Cette colline était à lui, et outre cela, il était en train de construire sa maison, c'est-à-dire la maison que vous avez détaillée lorsque vous avez levé votre regard vers la clé de voute du porche. Vous avez été intriqué par le gros serpent très visible qui a été taillé dans la pierre. Il tient quelque chose dans sa gueule, un quadrupède. Ce n’est pas un batracien, grenouille ou crapaud, ce qui serait dans l’ordre des choses. C’est quelque chose de nettement plus grave et je vais vous le raconter.

 

 

 

Mon ancêtre Mr ANSELME était en bon termes avec plusieurs personnes. Il était un peu le parrain comme on dirait de nos jours. Membre du Conseil Municipal, il avait l’oreille du Maire. Il désirait être agréable au curé et présidait au Reitferien l’association sans but lucratif qui rassemble des fonds et qui vous accorde ou refuse des prêts. Enfin, il était en très bon termes avec une femme prénommée RESI. Nous allons voir comme de l’une personne on passait à l’autre. « Vas voir UNTEL, tu diras que tu viens de ma part et tu seras bien reçu ». Mon ancêtre protégeait la femme. Mon ancêtre savait que le curé désirait construire sur le ban communal un réseau de chapelles où il pourrait monter en procession à certaines fêtes, marchant à la tête d’une longue colonne avec oriflammes, les cuivres de l’orphéon, les petites filles attendrissantes avec des fleurs dans les cheveux, les dames de charité, les jeunes gens célibataires et les jeunes filles, les hommes en plein dans la vigueur et j’en oublie. Certainement que le curé avait déjà songé à construire une chapelle au sommet du Néméton, là où les païens tenaient leurs réunions secrètes. Maintenant les églises et chapelle allaient supplanter ces temples du paganisme. Ces processions en grande pompe devaient d’ailleurs dissuader les âmes pieuses, les brebis égarées à adhérer

 

 à l’ HERESIE, lisez le PROTESTANTISME, du moins à en croire les tenants de la CONTRE-REFORME.

 

 

 

Monsieur le curé, je sais que vous cherchez un emplacement pour construire une chapelle. Je vous offre la colline du Rotenberg qui est ma propriété. Faites un quête à l’église et mettez vous à construire une chapelle. Vous aurez toujours économisé le prix du terrain. Et rendez vous compte Monsieur le Curé, là haut la vue somptueuse, les ondes bienfaisantes, le calme qui vous envahit, le désir de repos et la proximité du Très-Haut. Les jeunes mamans vont y converger avec leurs jeunes enfants. Il suffirait d’y mettre quelques bancs pour qu’elles puissent se mettre à l’aise et dégrafer leur corsage. Pour l’allaitement s’entend.

 

 

 

Mais il y a tout de même un inconvénient.

 

- Lequel ? interrompit le Curé. Le diable habiterait-il là haut ? Un diable qui serait resté sur place après le départ des Celts ?

 

- C’est presque ça. Dans les éboulis il y a des vipères. Alors si de jeunes mamans y montent avec leur jeunes enfants pour se recueillir et donner le sein, les serpents vont devenir déchainées à la vue des gouttes de lait et en flairant l’odeur.

 

- Que peut-on faire alors, Leur demander de cacher leur sein et ne pas donner la tétée ?

 

- Peut être, Monsieur le Curé. Il faudrait le faire savoir qu’il est contre indiqué de donner la tétée ou de sortir tout ce qui ressemble à un sein de près ou de loin. Tout ce qui a trait au lait déchaine les serpents. Quand aux processions elles-mêmes, je pense que les venimeux sentiront vibrer le sol avec tout ce beau monde qui va venir, ils vont déjà rester cachées dans les pierres. Un bon piétinement sera un gage de sécurité.

 

- Vous me rassurez, en partie du moins, Mr ANSELME, j’accepte donc avec reconnaissance, au nom de la paroisse ce legs de terrain à cet endroit. Le problème du lait peut être considéré comme résolu et je serais tenté de dire que je suis tout prêt à remballer les seins dès que les jeunes mamans approchent des éboulis, si bien sûr je me trouve par hasard sur place.

 

 

 

- Il y a encore autre chose Mr le Curé. J’aimerais que dans la chapelle vous m’autorisiez à mettre un bloc de grès dans lequel j’aurais fait tailler une maxime à ma façon, en latin.

 

- Ah oui ? Et quelle maxime ?

 

- J’y travaille avec opiniâtreté. Il faut que la rime soit riche, digne de notre invité du château Lui le Maîtres des rimes devant l’éternel le sus nommée Victorio ALFIERI. Mais je ne maitrise pas le latin. Voilà pourquoi ça traîne. Et vous, vous ne pourriez pas m’aider de ce point de vue là ?

 

-Mais dit le Curé à ANSELME, mon latin est sommaire et je peux tout juste réciter la messe, des formules apprises par cœur.

 

-Bon je vais voir pour trouver quelqu’un d’autre pour le latin, le confesseur du château peut être un jésuite instruit de la ville !.

 

 

 

- Alors, dit le curé, après cette donation généreuse, je vais sans tarder passer à la cure prendre du papier et un crayon et monter là-haut faire une esquisse de ce que sera notre future chapelle.

 

Le curé d’un pas guilleret monta au Rotenberg, s’assis sur une roche, posa son plan à coté de lui dans les éboulis et se mit à crayonner en évaluant les mesures. Un Moment il se leva pour aller s’assurer qu’il ne s’était pas trompé dans les mensurations.

 

-« Ca colle à peu près » Enfin il reprit son plan, le plia plusieurs fois, et se remit en route pour le village. En arrivant au niveau des premières maisons, qui est ce qui se laisse glisser du plan ? Une vipère qui avait entendu marmonner le Curé au sujet des seins et du lait.

 

Le venimeux se glissa par la clôture dans un potager. C’était la propriété de la famille de RESI, avec laquelle Mr ANSELME avait de bons rapports.

 

 

 

Or RESI arriva juste à ce moment avec un bol de lait crémeux et odorant… Il n’est pas nécessaire de vous expliquer le trouble qui s’empara du serpent.

 

-Ah TONI mon fils dit RESI à l’enfant qui attendait le bol, tiens voila ton lait quotidien. Tu sais que c’est KRITLA la meilleure vache du village qui le produit et l’intégralité de la traite est pour toi. Bois ce lait. Lentement s’il te plait. Qu’il te profite jusqu’à la dernière goutte. Tu es malade, mais avec ce traitement et le bon soleil tu vas guérir. Aie confiance mon fils et bois le lait. Et tu sais aussi que c’est Mr ANSELME qui te le paie, de même d’ailleurs que tes biftecks et le pain. Il est bon pour nous Mr ANSELME ! TONI le fils de RESI, âgé de 9 ans, était tombé soudainement malade en début d’année alors qu’il avait toujours été bien portant. Il toussait beaucoup et s’affaiblissait. Son teint devenait jaune. Il était devenu pulmonaire. Et Quand arrive la belle saison, sa mère avait eu l’idée de l’installer dans le jardin au soleil assis à une table, et de laisser filer les heures. Elle lui apportait quotidiennement son bol de lait et une tranche de pain noir.

 

-Cette tranche de pain, mange la « igmogt » (pain perdu ou morceaux de pain dans le lait). Tu la trempes dans le bol et tu la laisse enfler. Suce là bien. Ne perd pas une goutte. Il est hors de question que le lait de KRITLA nous le laissions aux poules. Ne perd pas une goutte je te le répète. Ta santé est à ce prix.

 

KRITLA, comme dit plus haut, était la meilleure vache du village. Son propriétaire la menait pâturer dans les herbages les plus gras, près du château de la Martinsbourg au lieu dit de la Pfleck entre les pommiers plus que centenaires du lieu, et toute la production était retenu à l’avance pour le malade. On aurait dit que KRITLA se doutait de la charge gravissime qui était la sienne. Pourvu que personne n’ait l’idée saugrenue de la déplacer sur des cailloutis et qu’elle reste enfouie dans les herbes jusqu’au poitrail.

 

 

 

ANSELME se souciait beaucoup de TONI. Presque quotidiennement il venait voir les progrès qu’il faisait, si les quintes de toux s’espaçaient, si son visage reprenait de la couleur.

 

-Tiens RESI, Prends cet argent. C’est pour le lait de KRITLA, mais aussi pour le pain que ton fils doit tremper dans le bol, et aussi achète de la viande, de la bonne viande sanguine. Nous devons mettre de notre coté toutes les chances de réussite. Et s’il te faut encore des sous, tu me fais signe. Je viens souvent te voir toi et ton fils. Il est possible que les commérages clament dans le journal vivant que l’herbe du sentier est piétinée. Les langues venimeuses, pire que les vipères du Néméton.

 

Mais j’ai l’oreille du Maire et RESI, si tu devais entendre quelque chose de blessant, je saurais les calmer. Je saurais découvrir dans les URBAIRES (appelé aussi TERRIERS, ou les registres des impôts fonciers) les impayés avec les pénalités de retard. Donc tu n’as pas de soucis à te faire de ce coté là. Je pense que les médisants vont la mettre en sourdine.

 

 

 

“WER DRACK AM STACKA HAT SELL NUR D’SCHNURA HALTA.”

 

(Que celui qui à se reprocher quelque chose se taise).

 

 

 

Mr ANSELME passait souvent sa main sur la tête de TONI.

 

-Aie confiance TONI. Je crois que ça va déjà mieux. Il me semble que tu as déjà pris quelque couleur. Continue ce traitement. Reste toujours au soleil, assis à cette table et surtout ne gaspille pas une goutte du lait crémeux de KRITLA. Tiens voila qu’un insecte est tombé dans ton bol. Je te l’enlève et continue de boire le restant du bol.

 

 

 

DRACK GET SPACK

 

 

 

RESI demandait aussi quelques nouvelles de la chapelle qui était en gestation.

 

Mr ANSELME, as tu rencontré le Curé ces derniers jours ? Lui as-tu donné le terrain pour la chapelle comme tu l’avais promis ?

 

-Oui RESI. Les travaux ont déjà commencé. Le Curé m’a montré les plans. C’est lui qui les à fait, en grande partie, assis dans les éboulis. Ce sera très joli.

 

-Qu’est ce que tu viens de dire ? Qu’il était assis dans les éboulis ? Rien que d’y penser, j’ai des frissons.

 

-Tu te mets martel en tête, RESI, il faut qu’un de ces jours nous montions sur le chantier. Bien que ce soit loin d’être terminé nous prierons pour TONI et pour nous deux. L’idée m’est venue d’une épitaphe et le Curé ne pourrait pas me le refuser. Je le ferais tailler dans la pierre et le bloc sera encastré peu avant l’achèvement. Tout le monde pourra la lire et il est question de nous deux. A vrai dire, comme elle sera en latin, peu de paroissiens pourront la lire, mais gageons que la traduction en alsacien va circuler à Wettolsheim comme une trainée de poudre. Je les entends déjà, ceux qui avaient remarqué combien piétinée était l’herbe du sentier qui relie nos deux maisons.

 

 

 

-Et quel est le libellé de cette sentence, Mr ANSELME, du moins la traduction en alsacien ?

 

-Pour l’instant, je ne veux pas être plus explicite. Je dois bannir les rimes pauvres ! Je te le dirai RESI, dès que ce sera au point.

 

-Tu fais beaucoup de mystère, Mr ANSELME. Je me demande bien quelle est cette allusion sibylline à nous deux. N’oublie pas de me communiquer le libellé de l’épitaphe dès que ce sera au point, dès que tu auras trouvé une rime riche.

 

 

 

UN PIQUE–ASSIETTE, ET DE LA PIRE ESPECE GRIMPE SUR LA TABLE ET S’INVITE A LA BOLEE DE LAIT

 

 

 

La vipère avait trouvé à s’abriter dans la rhubarbe et elle pointait le bout de son museau dès que RESI apportait le lait.

 

-Tiens mon fils. C’est pour toi. Tu vas déjà beaucoup mieux. Et je te le répète, n’en perd pas une goutte, même pas avec un insecte, ou un oiseau.

 

 

 

NET A MOL WAS A SPATZ DAVU TRAGA KENNT

 

(même pas ce qu’un moineau peut emporter)

 

 

 

C’est avec grand peine que le serpent devait se retenir que RESI

 

 s’éloigne, et pendant que l’enfant était occupé à émietter son pain et à l’imbiber, il grimpa sur la table en s’enroulant autour d’un pied de table.

 

Soudain le serpent fut devant TONI et plongea aussitôt la tête dans le bol. Sa queue frétillait de plaisir. TONI, pris de frayeur resta immobile le pain entre les dents !

 

-D’où sors tu ? Et qu’est ce que tu veux dit l’enfant. Tu veux du lait ?

 

TONI avait déjà entendu sa mère et Mr ANSELME parler des serpents du « Méméton » et combien ils devenaient incontrôlables dès qu’on parlait de lait ou même de seins de jeunes femmes. Il jugea prudent de laisser faire le pique – assiette et de ne pas le contrarier.

 

Il décida de ne souffler mot à sa mère. Le serpent repartit comme il était venu, par le pied de table, puis comme il avait l’estomac chargé, il se trainait lourdement jusqu’à la rhubarbe.

 

-C’est singulier, se dit TONI. Il n’en a pas après moi. Il veut simplement son lait. Je parie que demain il reviendra de nouveau et si je le laisse faire, il va me laisser en paix. Sans doute veut-il faire des provisions et s’engraisser pour l’hiver prochain, pour qu’il puisse hiberner pendant plusieurs mois. Tout ça c’est bien beau, mais que va-t-il advenir de ma cure, qui doit me tirer d’affaire. TONI était irrésolu. Il n’osa pas en parler ni à sa mère ni à son protecteur, et tous les jours le serpent était là, tout frémissant comme s’il avait jeuné depuis six mois. Il plongeait la tête dans le bol, et quand enfin il le retirait, il ne restait plus rien, plus rien du lait de KRITLA. Par contre son ventre présentait une boursouflure.

 

C’est ainsi que passèrent les jours et les semaines et lorsque ANSELME venait aux nouvelles !

 

 

 

-Alors mon gars, tu progresses ? Tes progrès sont lents pour ne pas dire que je ne vois aucun progrès. Les semaines passent. Tu tousse toujours et ton teint n’est pas bon. Pourtant KRITLA s’épuise pour toi. Bientôt l’été va pâlir. On glisse doucement vers l’automne. Nous avons prié à la chapelle ta mère et moi. Il faut qu’il y ait des résultats. Tu dois manger des doubles rations. Il faut qu’il y ait des résultats TONI. Je te laisse pour aujourd’hui. Avale ce lait et pas une goutte pour les oiseaux ou pour qui que ce soit.

 

 

 

Mr ANSELME QUE FONT LES RIMES RICHES ?

 

 

 

Les douces journées automnales étaient là. Le Curé venait voir Mr ANSELME ce que faisait le bloc de grès avec la sentence.

 

-Alors Mr ANSELME, la chapelle est en train de s’achever et si vous n’y voyez pas d’inconvénients, nous l’appellerons la « Waldkapelle ». Aucune allusion aux anciens esprits païens. Que TAMARIS et LUG dorment en paix et qu’on n’en entende plus jamais parler. Les serpents idem. Qu’ils meurent de froid là-haut ! Que plus personne ne me parle de serpents, de leur morsure et toutes les mauvaises choses qu’ils peuvent faire.

 

Mais je suis venu vous parler de votre bloc de grès. L’emplacement dans le mur est béant. Il suffira de l’y seller. Mais que devient votre sentence ? Avez-vous trouvé quelqu’un qui puisse vous aider ? On demanderait on trop chère pour cette petite traduction et la création de rimes réelles ?

 

 

 

UMS GALD GET’S BUTTERWECKLA

 

(pour de l’argent on reçois des pain beurrées)

 

 

 

Et ne me causez pas un arrêt cardiaque Mr ANSELME en me disant que vous voulez y mentionner les dieux païens TAMARIS ou LUG pour lesquels, je développe des efforts extraordinaires pour qu’ils tombent dans l’oubli !

 

-Non Mr le Curé. Rien sur TAMARIS. La voila cette sentence. Vous remarquerez que j’y mentionne le christ. Ainsi que quelqu’un d’autre. Au cas où vous me l’auriez pas déjà appris, cela ne saurait tarder. Les âmes charitables, authentique vont se charger de le diffuser.

 

Comme vous pourrez le remarquer, c’est un peu plus maladroit que du Virgile.

 

 

 

LE DEMON POUSSE CERTAINS A S’ETRIPER A MORT

 

MAIS D’AUTRES S’ENTENDENT SANS PROBLEME

 

L’ŒUVRE DE LA CHAIR EST EPHEMERE

 

SEULES RESTENT LES PAROLES DU REDEMPTEUR

 

PRIEZ POUR L’ENFANT VICTIME DU SERPENT

 

 

 

-C’est fort bien formulé dit le Curé. C’est vous qui l’avez trouvé ? Vous faites allusion à quoi ?

 

-Ceux qui sont dans la confidence comprennent les allusions et savent quels tourments me furent imposés. Que ceux qui montent dans cette chapelle et qui lisent cette sentence se souviennent que les liens les plus tendue peuvent recevoir un coup fatal par une belle journée d’automne, dans un potager et assis devant un bol de lait igmogt.

 

Le curé s’éloigna en s’interrogeant ce que ANSELME pouvait bien vouloir dire. Il l’apprit avant qu’il n’ait regagné la cure.

 

 

 

LA MORT DE TONI CAUSE PAR LE GLOUTON

 

 

 

On avait trouvé TONI gisant par terre à coté de sa table avec deux petits points rose au sommet de la cuisse. Celle-ci était déjà enflée. Le récit qui va suivre provient de Charlotte dite S’LOTTI une voisine qui regardait par-dessus les murs et qui était au courant de tout, entre autres des relations d’ANSELME et RESI.

 

Le venimeux avait grimpé sur la table comme il le faisait tous les jours et avait plongé aussitôt sa tête dans le lait.

 

-Alors serpent, s’était écrié TONI, tu ne te préoccupe pas de ma santé ? Tu pense à tes stocks de graisse pour l’hiver ? Et moi qu’est ce que je vais boire pour me rétablir ? Il parait que je périclite de plus en plus. Tu veux avoir un mort sur la conscience ? Tu ne pense qu’à toi ! Maintenant j’en ai assez et je vais le dire à Mr ANSELME et à ma Mère pour qu’on te sorte de ta rhubarbe et que d’un coup de bèche on te tranche en deux ou trois.

 

Le venimeux comprit que ça commençait à devenir sérieux et après avoir reçu encore un coup de cuillère sur la tête, mordit à la cuisse : deux petis points roses.

 

ANSELME passa le potager au peigne fin, trouva le malfaisant dans sa retraite et lui régla son compte.

 

 

 

TAMARIS, IL ME FAUDRAIT UNE PETITE VICTOIRE.

 

 

 

Aux premiers jours de 1675 alors que le froid était piquant l’armée de TURENNE venait de Rouffach passa par le Ménéton du Rotenberg en allant affronter les impériaux chez les LOCHSCHSCHLUPFER (surnom donné aux habitants de Turckheim).

 

-Alors TAMARIS, une petite victoire pour la couronne de France me ferait le plus grand bien. Elle Permettrait de conserver L’Alsace. Tous ces vignobles doivent être très profitables pour le Trésor Public. Monsieur De L’HERMINE (un agent du fisc), notez bien combien de livres tournois (monnaie française) ça peut rapporter.

 

Et n’égarez pas vos mots.

 

 

 

ORDNUNG IST DAS HALBE LEBEN

 

(C’est le désordre qui vous fera perdre l’Alsace)

 

 

 

Asseyons nous un bref instant au sommet de cette colline, où entre parenthèse la vue est princière. Là bas au nord, la ligne des Impériaux. Tiens es pierres ! On m’a dit qu’il y avait là une ancienne chapelle dont il ne subsiste que des ruines depuis la guerre de Trente Ans. Et ce bloc en grès rose ?

 

Une inscription. C’est du latin. Qui sait lire le latin et peut me le traduire ?

 

-Moi mon Maréchal !

 

-Alors qu’y est il écrit ?

 

Il est question de REDEMPTEUR et du DEMON, Mais également de loeuvre de la chair, de ceux qui s’étripent à mort, et aussi de ceux qui s’entendent sans problème.

 

La rime est riche, enfin presque.

 

 

 

-C’est tout ? C’est énigmatique, Monsieur De L’HERMINE notez dans votre relation de voyage :

 

a) que nous devons nous entendre pour mettre la pression, celle du fisc.

 

b) que je n’ai jamais dit que la France c’est le foutoir. Ca c’est vous, Monsieur De L’HERMINE, qui pensez ça de ceux de L’INTERIEUR.

 

Maintenant nous continuons pour aller affronter les IMPERIAUX

 

 

 

 

 

EPILOGUE 2010 FAUDRA T IL PRENDRE SES VIGNES SOUS LES BRAS POUR ALLER EN HONGRIE ?

 

 

 

Promeneur ! Lorsque vous passez devant ma maison situé rue Herzog après la fontaine et en direction de la montagne, levez votre regard au sommet du porche vers la clé de voute, et si la porte est ouverte, demander si vous pouvez entrer et vous verrez dans la cour le même motif du serpent qui mord quelqu’un à la cuisse. Il ne s’agit pas d’une grenouille ou d’un crapaud, qui trouverait à y redire ? Mais de mon lointain ancêtre de la Renaissance Antoine mort à l’âge de 9 ans et dont la ligné collatérale s’est éteinte de ce fait. Cette histoire du pulmonaire, qui s’en souvient encore à Wettolsheim ? Plus personne. Les gens oublient. Mais dans ma famille on se le répète de génération en génération et il faudrait que quelqu’un la couche sur le papier. Pourquoi pas vous cher passant. Le pré où paissait KRITLA n’existe plus. Il y a maintenant un centre œnologique à moins qu’on ne s’y occupe d’insémination artificielle. De Curé il n’y en a plus . Il est maintenant à l’autre bout du département. Et sur la colline vous entendrez pétarader et vous y trouverez des morceaux d’emballages divers et des canettes dans les vignes. Ne faites aucune remarque à ces forbans sous peine d’avoir le visage lacéré. Il faudrait les enrôler dans un régiment et marche forcé direction l’autre bout du monde, pour leur apprendre la vie. Vous y trouverez des multiculturels, hirzsutes et mal rasés, alternatifs, rétropédaleurs, biodiversifiés, citoyens émergeants, inhibés, décalés, exclus…..

 

L’accès le plus commode est à partir de Wintzenheim. La route y est très bonne. Si vous n’avez pas peur de vous promener là-haut faites le décompte des très ombreuses chapelles qu’on y trouve.

 

Et ayez une pensée pour les vignerons qui se disaient « Il faudra qu’on continue à mettre un pas devant l’autre et à faire de la vigne ».

 

 

 

LE NOUVEAU POEME QUI EST EN GESTATION

 

 

 

 

 

OH ! FUHL ECH MECH WOHL UF DAM BARG

 

 

 

WENN  I NUR KANN MI PULVER WITTER VERZEHRA

 

 

 

                                                                       NTM    RACHID

 

 

 

(Oh ce que je me sens bien sur cette montagne

 

Si seulement je peux continuer à y digérer mon rêve).

 

 

 

Il n’y a plus de rime ne riche ni pauvre, il n’y en à plus aucune.

 

 

 

 

 

Le témoin principal lointain descendant d’ANSELME est Mr Francois H. de Wettolsheim.

 

                                                                                   Gilbert MULLER