Fenaisons à l’Altdorf. (vers 1515 ou juste après..)

 

 

 

A l’entrée d’une souriante vallée des Vosges caché dans un creux des collines un village petit et pauvre.

 

Les gens vivent de ce que la terre qu’ils travaillent veux bien leur donner. Des près qui leurs donnent l’herbe qui nourrissent leurs chèvres, pour les plus riches les vaches et chevaux que le seigneur veut bien dans sa mansuétude leur laissé pour contrepartie à de multiples corvées.

 

Les quelques maisons de nos fermiers se sont regroupées autour de la petite place du tilleul plusieurs fois centenaire à l’ombre duquel nos anciens s’abritent du soleil. Et là, une fontaine laisse s’échapper un mince filet d’eau pure et claire qui anime de mille feux cet espace de quiétude. C’est l’unique eau pour notre petite communauté. Un long bassin de grès recueille ce filet qui abreuve les animaux et nourrit les jardins. Par temps de sècheresse cette dernière fournissait péniblement un petit seau d’eau toutes les 3 minutes, mais ne s’achèche jamais.

 

Pas d’école ni d’église mais une petite chapelle très ancienne abritant un ermite au fond du vallon. Le garde champêtre est établi dans une solide maison en pierre locales tout en haut du grand du chemin qui mène à la forêt.

 

La communauté est composée de riches et des pauvres. Le plus riche avait trois vaches, le plus pauvre trois chèvres. On vivait en somme de l’élevage et du lait. La forêt fournissait leurs toits et le chauffage pour les hivers rudes en ces contrées. Tous à l’occasion étaient bucheron. On faisait du bois de chauffage, du bois pour les palissades, charpentes, tuteurs pour la vigne proche. Pour améliorer l’ordinaire se louaient pour des coupes de bois ou autres travaux. Le travail ne manque pas dans les vignes non plus pour celui qui savait y faire.

 

Les côteaux aux alentours étaient planté de vignes plus que centenaire, certainement depuis le temps des Romains. Il subsiste toujours une tour de guet sur le haut du Frietig qui surplombe la très ancienne voie romaine qui passe en contrebas. Et ici loin du village de l’Altdorf que se trouve le cimetière. Ici aussi notre fière église romane la Feldkirch. Un puit à balancier proposait son eau claire au voyageur depuis des millénaires probablement.

 

Que de nobles personnes pour dirigées les terroirs plantées de vignes et boire le vin de notre travail. Il y avait bien quelque petite et rare parcelle leur appartenant pour produire tout juste une petite piquette pour la consommation personnelle. Mais que souvent ils revendaient contre quelques sous, même l’ermite frère Anselme n’en voulait pas. Pour donner du cœur au labeur restait le vin de groseilles, âpre, rude, de plus en acide au fur et à mesure que la saison avançait. Un breuvage pour vous dissoudre l’estomac le plus résistant. Les femmes très souvent se faisaient des sortes d’infusions d’herbes de la forêt proche.

 

Les feuilles sèches de la forêt étaient ramassées pour faire la litière des bêtes. Leur vie tournait selon les saisons. Pour les hommes, pour les femmes tous les jours l’étable, donner du fourrage, trier la literie, traire. Et aussi les lapins, poules, oies, canards, jardin, champs, prés, vignes pour les plus riches, les corvées, le labeur ne manque pas du lever du soleil à la dernière clarté du jour.

 

Le foin était la chose la plus importante. Il le fallait pour vivre aussi bien que l’eau et l’air.

 

Nous sommes en pleine fenaison. Bientôt la moitié de l’herbe sera coupée, mais oh misère ! La météo change complètement, Le temps est devenu fou…

 

Il pleut sans relâche six jours de suite.

 

Vient le septième jour, le soleil est radieux, généreux et chaud dès les premières lueures. Il brille.

 

Mais c’est Dimanche !

 

Frère Anselme, ce dimanche organise la messe à l’église romane de la Feldkirch. C’est un grand jour ce Dimanche c’est justement l’Assomption (15 Aout). Il fait son sermon, pas du haut de la chaire. il n’y en à pas. Le mobilier de l’église romane est très strict. Mais derrière une table massive en grès rose des Vosges qui servait aux offices du lieux. Il se réjouit l’église est pleine et pourtant elle est bien grande. Tous avaient répondus présent à l’appel de la cloche « Saint Rémi » et avaient mis leurs habits de mariage, bien que trop chaud pour cette saison. Mais on n’en avait souvent pas d’autres.

 

Ce dernier intimide une fois de plus (l’assemblé qui est grande en ce jour béni de l’ascension, on est venue de loin pour écouter le prédicateur).

 

-        Violer le repos du Dimanche c’est bien grave, car voyez ce commandement-là, le Bon-Dieu va le compter plus que n’importe lequel, car c’est le jour du Seigneur.

 

-        Le commandement est bien celui qui demande de nous le moins d’efforts ou pas d’efforts du tout.

 

-        Alors respectez le Jour du Seigneur. Pensez à l’éternité et oubliez ces quelques misérables années ici-bas ???

 

Et comme toujours met en garde la population de finir en enfer pour l’éternité et de ne pas être sauvé le jour de la rédemption à mot couvert.

 

-        Malheur à ceux qui ne suivent pas les commandements de Dieu.

 

 

 

Et comme de coutume une procession est organisée, et comme lors des rogations, le saint homme béni les récoltes à venir, ainsi que la terre, les Hommes qui la travaille et tous les animaux de ces fermes.

 

Impossible donc de se soustraire à ce rituel.

 

Surtout que chaque participant se voit offrir un petit bouquet de trois épis de blés. Il est ensuite accroché sur le seuil de la maison pour la protéger toute l’année à venir.

 

Tout ces ouailles étaient là, de plusieurs villages aux l’alentour. Tous sauf « Le Blasi » (Blaise), le garde champêtre (braconnier à l’occasion, libre penseur) qui lui est depuis l’aube sur le pré avec sa fourche (pour lui l’église c’est du temps perdue, c’est pour la vieille « sa mère ») .

 

Il soulève et retourne l’herbe collée, aspirée car le matelas spongieux du pré pour l’aérées le sécher. Il y a aussi du foin mis en vitesse en tas sur des échalas pour le sécher malgré la pluie pour ne pas le perdre. Cette herbe aussi, il la répand sur le pré et la retourne. Le foin là sentait encore bon et avait encore un peu de sa couleur appétissante. Il n’avait pas jaunie et ne sentait pas la fermentation.

 

L’herbe sèche que l’on n’avait pas eût le temps de mettre en meule était noire, poussiéreuse et sentait mauvais. Elle n’est même pas bonne à faire une litière.

 

-        Il est perdue ce travail se dit-t-il.

 

Avec la faux qu’il venait d’affûter, il coupe ce qui ne l’était pas encore. Une fois le tout étendue au soleil réparateur, Blasi se met à l’ombre d’un bosquet d’aulnes en contrebas de la « SultzBourg » (devenue la Martinsbourg en l’honneur probablement à la présence de la chapelle dédiée à Saint-Martin) et bien avant le croisement « au Nusbaum » (au noyer) au bord du ruisseau qui bien plus loin alimente la petite rivière de la Lauch, et casse-la-croûte (celle du pain bien-sûr). Les branches de ce dernier en pleine repousse fournissaient une ombre dense et agréable en cette chaude journée (« l’osier » branches utilisées en tant que liens pour la vigne ou la fabrication des paniers et autres ustensiles de la ferme).

 

Et il se dit en lui-même.

 

-        Quel chance se soleil.

 

-        « Die valt esch geracht ber da vo weisst met ehr zu schaffa » (le monde est juste avec celui qui travaille).

 

Et il se met à penser à cette terre qui le nourri, à la forêt qui le chauffe l’hiver, à la chance d’être tout simplement en ces lieux qui apparait comme un paradis.

 

A laïvala schwartzbrot (une miche de pain de seigle),  à stewel  (un oignon), dr Munster (un fromage de munster bien mou), avec de temps en temps une gorgée de piquette tirée du « loyala » (petit tonneau en bois avec un mélange de vin coupé par de l’eau) mis au frais dans l’eau limpide qui coulait de la montagne.

 

-        « Was brucht der mench mehr ! » (que faut-il de plus à l’homme).

 

-        C’est le paradis sur terre, pense notre Blasi !

 

-        Mon devoir est le rentrer mon foin et non de faire la prière. C’est pas ce qui arrêteras la pluie de tomber.

 

Après un nouveau balayage du foin dans le pré attenant pour le retourné. Il rentre pour atteler son unique vache et rentrer son foin. Il n’arrive pas à décider sa vieille mère à faire le chargement. Elle ne cesse de prier son fils d’arrêter de violer le repos de ce beau Dimanche. Donc le Blasi, après la soupe, part seul charger son foin ce qui n’est guère facil.

 

L’après-midi les villageois se promenèrent allant vers leurs près, tout endimanchés, soulevant par-ci par-là l’herbe avec leurs mains pour la voir, la humer d’un air songeur. A les voir, ont les croiraient tous en deuil ou portant un chagrin en eux-mêmes. Ils se saluent mais évitent de devoir se parler. Quelques femmes égrènent leur chapelet, priant le Bon-Dieu que ce beau temps dure.

 

Le soir, le Blasi à enfin mis son foin à l’abri, et la pluie se remet à tomber. Il avait réussi avec beaucoup de parole à décider son voisin de lui prêter sa charrette afin qu’il puisse arriver à tout rentrer.

 

-        Quel journée, qu’il se dit songeur. Je vais pouvoir me reposer.

 

-        Et la vielle vient le haranger « du gesch en die Hell fer di vergananheit fer di heui» (tu iras en enfer pour l’éternité pour t’on foin).

 

Le Blasi attendrie par ces paroles lui répond.

 

-        « Mutter las der brüder Anselm ver unseris sehla batta, das esch sini arvet » (Mère laisse donc le frère Anselm prier pour sauver nos âmes, c’est son travail).

 

Et va prendre un repos réparateur bien mérité, demain est un autre jour, il en a fait assez pour aujourd’hui.

 

La pluie se remît à tomber dans la nuit.

 

Lundi, le plus hardi, va dès sept heures voir l’Ermite. Quel gâchis, si j’avais su, moi j’aurais bien rentré, comme le Blasi mon foin. Mais nous n’avons pas osé, à cause de votre sermon prononcé juste en période de fenaison, et cette pluie maintenant….

 

-        Mon cher paroissien, ton travail était de rentrer ton foin, le mien c’était de prêcher. J’ai bien fait le mien moi, mais toi tu ne peux pas en dire autant.

 

 

 

Henri Albert Strubel